Anaëlle, extrait chap. 3

En ce moment, elle n’écrit plus. Elle stagne et pondère, contemplant le lent processus de dégoût de soi qui finira par en découler. C’est dire qu’à force, elle le connaît bien ce stage là, celui de la dépression. Celui de la haine qu’elle ressent progressivement pour elle-même et qui la ronge comme le temps grignote le fer. Chez elle tous les miroirs sont recouverts, sa plus grande peur étant de croiser son reflet dans la glace transparente. Son image la répugne, elle redoute de voir ce teint livide avec ces grandes cernes noires, ces cheveux gras et en bataille, ces vêtements tâchés, et ce corps, cette prison qui la maintient dans un endroit pire que les enfers.

Les volets sont fermés, seul une très fine ouverture laisse passer un rayon de soleil. Tous les matins elle admire les grains de poussière voletant dans cette barrière de lumière et elle souhaite devenir poussière elle-même. Laisser son esprit se dissoudre dans un néant qui n’est ni violent ni agréable, qui n’est même pas rien, puisqu’il n’est pas. Les divagations morbides fusent comme d’habitude aux alentour de midi, lors de l’apogée de cette grosse étoile brûlante dans le ciel, le synonyme de la chaleur et de la vie.

Depuis quelques temps déjà elle ne comprend que le froid et, non pas la mort, mais le vide. Ce vide qui creuse ses tripes et son cœur, cette absence lorsqu’elle se souvient d’une ancienne vie. Ces gens aux visages familiers et rassurants, qu’elle a trahi sans le vouloir, qu’elle ruinerait si elle restait à leur côté. Et les divagations continuent jusqu’à ce que les larmes coulent aux environs de 13h, le tic-tac de l’horloge accompagnant chaque respiration saccadée, chaque gémissement de douleur, chaque hoquet de chagrin. Elle pleure, c’est sa thérapie pour faire le deuil de ce qu’un jour elle fut, avec ses ambitions et ses espoirs. Tout s’est envolé au loin,  et aujourd’hui elle n’a que ses regrets, sa colère contre la vie.

Elle ne sait plus qui croire, les médecins qui la regardent avec ces yeux compatissants qui la condamnent, sa famille, soucieuse, passive et qui ne la regarde même plus, ou bien Catherine, qui la regarde comme toujours, avec confiance et compréhension. Après tout, elle est là, elle vit, elle parle. Sa personnalité est marquante, elle est indépendante, forte, elle a du répondant et du charisme. Tout ce qu’Anaëlle aurait aimé être. Quelle ironie, que son fantôme soit plus vivant qu’elle n’ait jamais été.

 

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Ish Please
Salut, je m'appelle Manon. Et si vous lisez ça il y a de grandes chances que vous me connaissiez déjà. J'écris un blog sans prétentions, et sans aucune ambition ; simplement pour déposer quelques pensées, écrits et souvenirs qui resteront ici à l'abri du temps et de l'oubli.