Je perds des miettes de moi, au fil de mes pas. Doucement, dans le silence, les lèvres cousues, je tombe en morceaux et me désagrège.
Mon corps me lâche, la machine s’arrête, la pompe et le moteur toussent et crachent une dernière fois. Une dernière pulsée de sang revigore ce visage déjà marmoréen, bientôt cadavérique.
J’observe la paume de ma main, les bouts de mes ongles partent en une légère fumée teintée de violet. Le dos cassé, les genoux brisés, les pieds en charpie, les viscères meurtries, l’hystérie mutée, la chimie déséquilibrée, il ne reste plus rien de celle que je m’imaginais devenir.
Vieillie prématurément, torturée par esthétisme, vidée et mélancolique, j’active les codes :
« Dépression ; décompression ; surexpression ; oppression ; répression ; suppression ».
Je suis une entitée brisée, finie, kaput.
Ce n’est pas que mon corps qui m’échappe ; c’est aussi mon identité, mon mental. Le masque tient de moins en moins bien sur mon nez, le sourire fond en une grimace horrifiée tandis que les yeux jadis pétillants s’embuent maintenant de larmes à la plus neutre des pensées.
225mg de chimie et retourne-cerveau ne l’auront pas aidé dans sa quête du bonheur, ni sa chirurgie pour retrouver figure humaine, ni les traitements inadaptés pour vivre une vie normale. N’avait-on pas dit qu’elle était malfoutue depuis l’enfance, un rebut de l’humanité destiné au compact-ordure ?
Il ne reste qu’à couper les derniers fils d’espoir, elle le perdra lui, puis les gardiens ensuite. Ce n’est qu’enfin qu’elle sera prête à sauter le cap.